Les prévisions de Tony Seba pour l’électrification des transports: vrai ou faux?‏

Selon le conférencier Tony Seba 100 % des nouveaux véhicules légers vendus en 2030 seront électriques . Le physicien Pierre Langlois s’est penché sur la question afin d’analyser si cette affirmation est réaliste. Voici les fruits de son analyse.

Dans le cadre d’une entente nouée avec le physicien Pierre Langlois ,Éco-Énergie à Montréalet Roulezelectrique ont obtenu le privilège de vous présenter le contenu intégral des infolettres qu’il publie sur une base régulière. Mentionnons que Pierre Langlois est consultant en mobilité durable, auteur et conférencier. Il est d’ailleurs l’auteur du livre Rouler Sans Pétrole, publié aux Éditions MultiMondes. On a pu l’apercevoir au petit écran dans des reportages consacrés aux hybrides rechargeables et aux batteries et voitures électriques, à l’émission Découverte, entre autres, où il a témoigné en tant qu’expert. Il a également siégé sur le comité aviseur responsable d’appuyer Daniel Breton dans le développement de la politique d’électrification des transports du Québec. Un gros merci à lui.

Les prévisions de Tony Seba pour l’électrification des transports: vrai ou faux?‏

Bonjour à tous

Dans mon dernier courriel je mentionnais une conférence très enthousiasmante de Tony Seba sur les technologies qui occasionnent un changement brusque majeur (disruptive technologies), dont l’électrification des transports.

Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est l’auteur du livre à succès intitulé «Clean Disruption of energy and transportation»

http://www.amazon.com/Clean-Disruption-Energy-Transportation-Conventional/dp/0692210539/ref=sr_1_1?ie=UTF8&qid=1424454370&sr=8-1&keywords=clean+disruption

TonySeba-CleanDisruption

J’ai commandé ce livre la semaine dernière mais je ne l’ai pas encore reçu. En attendant je suis aller visionner ses conférences sur YouTube, dont celle-ci que je vous recommande fortement

https://www.youtube.com/watch?v=RBkND76J91k

previsions-tony-seba-vrai-ou-faux-1png

Comme vous pouvez le constater sur la diapo de cette conférence ci-dessus, il évalue l’évolution du prix d’une voiture électrique du style Tesla Model S, qui aurait une autonomie de 320 km (200 miles), de 2014 à 2030. Pour obtenir cette courbe, il fait diminuer le prix de 16 % par année en mentionnant que c’est la diminution observée dans les quatre dernières années pour le prix des batteries, le composant le plus dispendieux de la voiture.  Ce faisant, il arrive à un prix de 22 000 $ en 2022, le prix d’une voiture à essence compacte d’aujourd’hui. Puisque le prix pour faire le plein d’électricité est beaucoup moins cher que celui de l’essence, que les coûts d’entretien sont beaucoup moindres également, sa conclusion est que 100 % des nouveaux véhicules légers vendus en 2030 vont être électriques (il se laisse une marge d’erreur).

C’est très enthousiasmant, vous en conviendrez. J’ai donc regardé une deuxième fois sa conférence, pour m’assurer que c’est bien le cas. Voici mon analyse.

Premièrement, si vous regardez le prix d’une voiture électrique avec 320 km d’autonomie sur la courbe plus haut, vous constaterez qu’en 2030 une Tesla se vendant 75 000 $ en 2014 se vendrait 5 000 $, ce qui est impossible. J’ai donc regardé les paramètres qu’il a utilisés. Il considère que la voiture a une batterie de 50 kwh de capacité à 500 $ le kwh en 2014. Le prix initial de la batterie en 2014 est donc de 25 000 $, sois le tiers du prix de la voiture. Or il applique la réduction annuelle du coût des batteries (16 %) à l’ensemble du prix de la voiture ce qui n’a pas de sens. Par ailleurs, le mieux qu’on peut espérer d’une batterie de 50 kwh est de parcourir 300 km dans les meilleures conditions, et non 320 km.

J’ai donc refait un graphique qui tient compte d’une diminution annuelle de 16 % du coût des batteries mais de 5 % sur le reste de la voiture. Le voici

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On y constate que le prix de 22 000 $ est atteint en 2030 et non en 2022. Mais, une diminution annuelle de 5 % pour la voiture moins la batterie me semble encore beaucoup, car les technologies de fabrication sont maitrisées depuis un bon moment. Par ailleurs, la Tesla Model S est une voiture de luxe. J’ai donc fait un autre graphique qui démarre avec un prix de 40 000 $, dont  15 000 $ pour la batterie de 50 kwh en 2017, année de sortie de la Chevrolet Bolt électrique à batterie avec une autonomie de 300 km. Remarquez qu’en appliquant une diminution de 16 % par année de 2014 à 2017, le 25 000 $ de la batterie devient 15 000 $ en 2017. De plus, j’ai utilisé une diminution de 3 % seulement sur le coût de la voiture moins la batterie. Voici ce que ça donne

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N’oubliez pas que le 30 000 $ annoncé par GM pour sa Bolt correspond au prix après l’application du rabais fédéral de 7 500 $. Je considère que cette dernière courbe est plus près de la réalité. On y constate que le prix chute à 21 000 $ en 2027. La grande question qu’on peut se poser est est-ce que la diminution du coût des batteries va continuer au rythme de 16 % par année? Mais lorsqu’on regarde la construction de la giga-usine de batterie de Tesla qui va doubler la production mondiale des batteries Li-ion en 2017 alors que certainement d’autres usines du genre vont suivre, je serais enclin à dire que le 16 % devrait se maintenir.

Ma conclusion c’est que Tony Seba a exagéré la rapidité de diminution des prix, mais que malgré tout il est très probable qu’en 2030 il n’y ait plus de raison d’acheter une voiture à essence.

L’ère du pétrole va se terminer non pas à cause du manque de pétrole, mais en raison de voitures bien meilleures à moindre prix, d’un «carburant» à bien moindre prix, et d’entretien à bien moindre coût également.  Et n’oublions pas qu’en 2030 les bornes de recharge vont être nombreuses et rapides.

J’ai toujours dit que d’ici 2030, les voitures hybrides rechargeables ou électriques à prolongateur d’autonomie étaient une meilleure solution que les voitures tout électrique, pour plusieurs raisons, dont l’autonomie limitée avec peu de bornes de recharge rapides. Mais il y a également l’épuisement des ressources de lithium, si on construit deux milliards de véhicules à grosses batteries. Toutefois, en tenant compte de l’autopartage et du covoiturage assistés par des véhicules autonomes (sans conducteur) et en augmentant le transport collectif, on pourrait réduire de beaucoup le nombre de véhicules légers sur les routes. Dans cette perspective, des voitures entièrement électriques avec une batterie de 300 km à 500 km d’autonomie, selon les besoins, pourraient constituer la grande majorité des voitures neuves vendues en 2030, et possiblement en 2025.

Nous vivons une période charnière très excitante de l’histoire de l’humanité. À nous de faire les bons choix, et que ça devienne bénéfique pour nous et les générations futures.

Bien cordialement

Pierre Langlois, Ph.D., physicien

Consultant en mobilité durable,

Auteur et conférencier

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Téléphone : 418-875-0380
Courriel: pierrel@coopcscf.com
Site Internet: www.planglois.com

L’information et la solidarité sont les deux piliers des véritables changements

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