Alors qu’une pétition est actuellement en ligne sur le site de l’Assemblée nationale afin de faire bannir les emballages de plastique de type 6 ( polystyrène ), on peut se poser la question à savoir si la solution aux problématiques soulevées par ce dernier passe par son interdiction. De plus, ce mal-aimé de la famille des plastiques serait-il plus écologique qu’on serait porté à le croire ?
Mais tout d’abord, voici le texte de la pétition :
Pétition : Bannissement des produits d’emballage en plastiques de type 6
CONSIDÉRANT l’impact délétère et la persistance des plastiques de type 6 dans l’environnement;
CONSIDÉRANT la très grande difficulté à récupérer les plastiques de type 6 et les coûts économiques engendrés par le traitement de ceux-ci en raison du volume considérable qu’ils occupent dans les sites d’enfouissement;
CONSIDÉRANT les nombreuses autres options disponibles, dont les produits d’emballage réutilisables et recyclables;
CONSIDÉRANT la pollution atmosphérique engendrée lors de la production et de la combustion des plastiques de type 6;
CONSIDÉRANT les engagements touchant le développement durable des partis présents à l’Assemblée nationale;
Nous, citoyens et citoyennes du Québec, demandons à l’Assemblée nationale d’adopter une loi bannissant la production et le commerce de produits d’emballage en plastiques de type 6.
Plastique de type 6: l’état des lieux
J’avoue que tout ce qui entoure le plastique de type 6, qui existe sous différentes formes ( rigide, expansé et extrudé ), m’a toujours rendu perplexe. Je n’ai jamais compris la logique derrière le fait que de nombreux produits de la vie courante soient emballés dans du plastique de type 6, qui n’est pas recyclé, du moins, dans la plupart des régions du Québec. Par exemple, pourquoi le contenant de yogourt format familial est-il fabriqué en plastique de type 5 , et donc, recyclable, alors que celui de format individuel est en plastique de type 6, et donc, non recyclable ? Sans compter les fameuses barquettes à biscuits et à viande qui doivent également prendre le chemin de la poubelle. J’imagine qu’il doit y avoir une explication logique derrière tout cela, mais j’aimerais bien qu’on me l’explique.
Voici d’ailleurs quelques exemples de produits fabriqués à base de polystyrène ( plastique de type 6 ):
Exemples de produits en polystyrène rigide |
Exemples de produits en mousse de polystyrène |
|
Barquettes de champignons Contenants à couvercle rabattable, fruits et légumes Emballages à dôme transparent et base noire, pâtisserie Emballages à dôme transparent et base noire, prêt à manger Assiettes, bols et ustensiles à usage unique Petits contenants de lait et crème à café Contenants pour portion individuelle de yogourt Verres et dômes transparents pour boisson Pots pour plantes Pochettes pour CD et DVD Pots transparents pour médicaments |
Verres à café et breuvages chauds Contenants à couvercle rabattable pour la restauration Assiettes et bols à usage unique Plateaux pour viandes, poissons et légumes Emballages pour œufs Emballages de protection d’appareils électroniques Emballages de protection pour appareils ménagers Glacières Caissettes pour fleurs, annuelles et autres |
Ceci étant dit, on peut percevoir les problématiques soulevées par les emballages fabriqués à partir de plastique de type 6 sous 2 angles différents ( information tirée de la fiche informative “Les plastiques“, de Recyc-Québec, datant de mars 2010 ):
Angle 1 – Le plastique de type 6, comme les autres plastiques, est source de nombreux problèmes environnementaux
Les plastiques présentent les défauts de leurs qualités: ils ont une excellente longévité, ce qui cause des impact sur les écosystèmes terrestres et marins lorsqu’ils se retrouvent dans la nature ( fragmentés en petites pièces, les plastiques peuvent être confondus avec de la nourriture et entrer ainsi dans la chaîne alimentaire. De plus, ces particules de plastique avalées par de petites créatures marines peuvent contribuer à la concentration de polluants organiques persistants ( POP ) présents dans les mers )
Donc, dans le cas d’un plastique peu recyclé, comme le polystyrène, la situation peut s’avérer problématique, la matière se retrouvant dans des centres d’enfouissement et donc, potentiellement, plus facilement, dans la nature et la chaîne alimentaire.
Il faut savoir que, bien que techniquement recyclable, son taux de recyclage serait marginal au Québec ( on parle de moins de 15% – source ).
En fait, le polystyrène est actuellement peu recyclé pour plusieurs raisons:
- sa faible valeur
- sa faible densité ( l’espace qu’il occupe versus son poids )
- les coûts de transport
- le manque de débouchés.
Toujours selon cette vision, la fabrication de produits à base de plastique serait également liée à l’épuisement de ressources non renouvelables : les hydrocarbures.
Angle 2 – Le plastique 6, permet de combattre les gaz à effet de serre ( GES ) et est donc une excellente option écologique
Vu sous cet angle ( vision supportée par l’Association canadienne de l’industrie des plastiques) on peut soutenir que la résistance des différents plastiques leur permettent de transporter davantage de produits par unité d’emballage que les autres matériaux. Les pellicules et les contenants peuvent donc être plus minces. Aussi, le plastique étant plus léger que les autres matériaux utilisés dans l’emballage, cela contribuerait à réduire la quantité d’énergie nécessaire pour le transport et, de ce fait, à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. A ce titre, le plastique de type 6, sous forme de mousse, constitué en très grande partie d’air, serait donc un choix écologique.
Une belle illustration de la situation a d’ailleurs été faite par une étude réalisée par le CIRAIG en 2011, pour le compte de Cascades. En effet, une analyse du cycle de vie en serait venue à la conclusion que, pour les barquettes d’emballage alimentaire, la quantité de matériaux et le type d’énergie utilisés étaient les facteurs qui avaient le plus de conséquences sur l’environnement, tandis que la fin de vie avait peu d’impact.
L’étude concluait donc que la mousse de polystyrène, composée à plus de 90 % d’air, offrait un avantage écologique indéniable, malgré le fait qu’elle soit peu recyclée. Parmi les 7 produits analysés ( plastique no 6, plastique no 1 avec ou sans contenu recyclé, plastique no 7, plastique no 5 et, finalement, la pâte moulée faite de journaux et d’annuaires recyclés) , c’est le plastique de type 6 qui générait le moins de gaz à effet de serre, en incluant toutes les étapes de la vie du produit, de l’extraction des matières premières à la fin de vie.
Toujours selon les défendeurs de cette vision, on mentionne que la production totale de plastique ne requiert que 4% des réserves mondiales de pétrole et que lorsqu’il est acheminé vers un lieu d’enfouissement sanitaire, le plastique traditionnel reste stable et inerte, c’est-à-dire qu’il ne se dégrade pas. Le plastique serait donc peu susceptible de porter atteinte aux sols, de produire des gaz à effet de serre ou de générer du lixiviat pouvant nuire à la nappe phréatique. Son impact résiderait essentiellement dans la réduction de la durée de vie de ces lieux d’enfouissement.
Avenir du plastique 6, on fait quoi alors ?
Cette question étant fort complexe, je n’ai malheureusement pas la réponse à cette question, mais voici une liste de solutions possibles:
– Le statu quo – on continue à le fabriquer et à l’enfouir en grande quantité
– On essaie de le faire interdire en signant la pétition ICI
Il faudrait peut-être toutefois faire une distinction entre les différentes formes de polystyrène. Qu’en est-il du bilan écologique du polystyrène sous forme rigide ? Pourrait-on le remplacer facilement par un autre type de plastique ( par du type 5 dans le cas des contenants de yogourt de format individuel, par exemple ).
– On encourage l’adoption de produits de remplacement plus écologiques selon le type d’applications.
On privilégie l’achat de produits emballés dans des produits autres que du plastique de type 6. Par exemple, les barquettes de biscuits compostables de la compagnie Leclerc fabriquées à partir de maïs.
Et on encourage l’adoption de tout nouveaux types d’emballages. Par exemple, l’emballage Mushroom Packaging de la compagnie Ecovative Design. Un produit fabriqué à partir d’écorce de riz et de sarrasin (selon la région) liés par les racines d’une culture de champignons, autrefois connu sous le nom de Greensulate, auquel je consacrais un article en janvier 2010.
– On trouve des solutions afin de le récupérer et de le recycler
A cet effet, notons qu’un regroupement pour le recyclage du polystyrène aurait été mis en place en novembre 2012. Ce comité serait composé de membres de l’industrie du polystyrène : entreprises, associations, experts, membres du secteur municipal et institutions. D’ici 2015, ce comité souhaiterait développer un nouveau modèle d’affaires. Il permettrait de gérer et de financer la récupération et le recyclage du polystyrène. Il pourrait être adopté dans l’ensemble des municipalités québécoises. Pour atteindre ses objectifs, le comité désire mener à terme l’implantation et l’opérationnalisation d’un programme de récupération et de recyclage du polystyrène au Québec, en deux volets dont le premier serait de mettre en place des points de dépôts et le deuxième, de mettre en place une solution de collecte sélective. Mais encore faut-il trouver un usage pour le polystyrène récupéré.
Or, il existerait peu de débouchés pour le polystyrène post-consommation. Dans un rapport publié en janvier 2011, on identifiait la fabrication de cadres et de moulures ainsi que de matériel d’isolation pour le domaine de la construction comme seuls débouchés.
La compagnie Cascades, à toutefois trouvé, dernièrement, une solution pour ses barquettes en polystyrène en concluant une entente, en avril 2012 avec NextLife, qui lui permettra de produire des barquettes fabriquées en mousse de polystyrène à contenu recyclé d’origine post-consommation. En effet NextLife transformera en résine recyclée des produits en polystyrène qui seront récupérés à la fin de leur vie utile et approvisionnera les usines de Cascades avec cette résine, qui sera utilisée pour fabriquer des barquettes en mousse de polystyrène, comme celles utilisées dans l’emballage, entre autres, des viandes. La matière, approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) et par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA), pourra entrer en contact direct avec les aliments. La date de production des premières barquettes n’a pas encore été annoncée ainsi que leurs teneurs en contenu recyclé.
( source: Cascades donne une deuxième vie au polystyrène… qui est moins méchant qu’on le croit! )
Alors, selon vous, que devrait-on faire ?
Excellent billet Jean-Claude!
Bien documenté, réfléchi, j’adore.
Comme tu le présentes si bien, la question est loin d’être simple. On pourrait aussi ajouter dans l’équation les impacts sociaux et économiques sur l’ensemble du cycle de vie de favoriser l’un ou l’autre des emballages.
Avant même de proposer une solution, voyons déjà sur quoi on s’entend et quels sont les faits:
le type d’énergie utilisés étaient les facteurs qui avaient le plus de
conséquences sur l’environnement, tandis que la fin de vie avait peu
d’impact.»
Pour ma part, je crois que la question doit se poser à long terme. Si l’on revient aux 4 conditions essentielles de durabilité de Natural Steps, on doit s’assurer de fermer la boucle du cycle de vie sans augmenter de manière systématique la quantité de ressources utilisées.
Dans ce contexte, la voie à explorer consiste à:
a) réduire à la source et éliminer le suremballage (la redevance demandée par Éco-Entreprise Québec va en ce sens);
b) utiliser un matériau technique et à le recycler en boucle fermée à l’infini; ou,
c) utiliser un matériau biologique et à le recycler en boucle fermé à l’infini.
Signer une pétition simplement en vue d’interdire la production de polystyrène ne nous permet pas vraiment de progresser vers l’un ou l’autre de ces idéaux. Pour reprendre les propos de McDonough et Braungart, un réglement signal une inefficacité, mais il ne présente pas la solution.
J’ai la chance de travailler avec l’industrie du plastique depuis quelques temps déjà. S’il est vrai que certaines mentalités évoluent lentement, il y a des leaders extraordinaires dans cette industrie qui, s’ils sont soutenus par les gouvernements et leurs parties prenantes, pourraient permettre au Québec de devenir un leader mondial de la chimie verte et des écoplastiques.
Pour répondre à ta question, je crois qu’il faut donc se donner une vision plus large du type d’industries et d’économie que nous voulons pour le Québec au cours du XXIe siècle. Bannir le pétrole, les centrales nucléaires, la production agricole chimique, les plastiques et le reste ne donnera rien de bon sans une vision articulée de ce que l’on veut vraiment favoriser pour l’avenir de nos enfants.
En premier lieu, il est important de distinguer les produits en polystyrène extrudés (xps) et ceux en polystyrène expansé (eps) qui sont tous deux identifiés de type 6.
Le xps est utilisé dans la plupart des emballage alimentaires dont il est question dans l’article ainsi que dans les feuilles isolantes bleues type Styrofoam. Pour sa part le eps est plutot utilisé dans la fabrication d’éléments de protection (dans les boites de carton) pour les meubles ou les appareils électroniques, pour des glacières, des équipements de protection et en isolation.
Pour faire le tour de la question de l’utilisation des hydrocarbures dans la fabrication des produits de polystyrène expansé, il faut savoir que le produit se compose à 90% d’air! La quantité d’hydrocarbures utilisée est donc négligeable! Ce même taux est ce qui permet de compresser les articles en eps envoyés au rebus. Un fois que le tracteur est passé dessus, le volume de l’élément ne représente plus qu’une fraction de lui-même.
De plus, le polystyrène est écologiquement neutre. Il ne réagit pas avec le sol ni les eaux et ne cause donc aucune contamination des sols ou des nappes phréatiques.
Le problème n’est donc pas tant le produit que la mentalité des lobby environnementaux qui recherchent une haute rentabilité bien plus que la sauvegarde de la planète! Après nous avoir fait fermer des entreprises de pâtes et papier au profit d’entreprises visant à recycler la ressources, les recycleurs écoulent désormais leur stocks en Asie pour une meilleure rentabilité. Je m’excuse de le dire mais c’est un peu écoeurant!
En bout de ligne les lobbys environnementaux ne valent guère mieux que ceux des produits pétroliers.